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Gabon, l’impossible démocratie
Publié le : 18 avril 2022 à 18h38min | Mis à jour : Septembre 2021
Après  l’intermède 1960-1964, le Gabon a renoué avec le multipartisme en 1990 après 22 ans de parti unique. Pourtant, malgré les dénominations, le pays n’a jamais réussi à devenir une démocratie. . Photo: Droits réservés/Gabon Intelligent

Après l’intermède 1960-1964, le Gabon a renoué avec le multipartisme en 1990 après 22 ans de parti unique. Pourtant, malgré les dénominations, le pays n’a jamais réussi à devenir une démocratie. . Photo: Droits réservés/Gabon Intelligent

« Moi je vous le dis et je vous le confirme, le multipartisme au Gabon Zéro ! Tant que je serai là il n’y en aura pas ! » ainsi s’exprimait Omar Bongo en 1989 de retour de la Baule où il avait participé au sommet France Afrique où avait été pourtant évoqué par François Mitterand (par la plume d’Erik Orsenna) la démocratisation des pays africains. Omar Bongo de retour au Gabon avait tenu à calmer les ardeurs et refusait catégoriquement une quelconque évolution de son régime très personnel. Soucieux de bien (...)


« Moi je vous le dis et je vous le confirme, le multipartisme au Gabon Zéro ! Tant que je serai là il n’y en aura pas ! » ainsi s’exprimait Omar Bongo en 1989 de retour de la Baule où il avait participé au sommet France Afrique où avait été pourtant évoqué par François Mitterand (par la plume d’Erik Orsenna) la démocratisation des pays africains. Omar Bongo de retour au Gabon avait tenu à calmer les ardeurs et refusait catégoriquement une quelconque évolution de son régime très personnel. Soucieux de bien faire passer le message, il s’était exprimé à nouveau à Bitam dans le nord du Gabon et avait déclaré urbi et orbi ne pas être concerné par la démocratie car elle menaçait l’unité nationale, en réalité son régime prédateur. Pourtant, l’année suivante les choses prendront une autre tournure et Bongo très rusé saura les canaliser à son avantage.

1990, l’année charnière
Tout est parti de l’Université Omar Bongo de Libreville en fin décembre 1989 et d’un banal repas servi au restaurant universitaire. Dans la nuit, les étudiants présentent tous les symptômes d’une intoxication alimentaire. Sur le campus, la colère gronde et dans la nuit du 14-15 janvier 1990 un étudiant en deuxième année au département d’ Anglais nommé Daniel Mengara colle des affiches dans lesquelles il appelle à la grève. Le 15 janvier la grève éclate et les étudiants sont rejoints très vite par les populations. La répression est féroce, l’armée descend sur le campus et « casse de l’étudiant » et dans leur résidence universitaire les étudiants sont passés à tabac et violent des étudiantes sont violées notamment avec des matraques. Peu après, Omar Bongo reprend la main invite les étudiants dans son palais promet des réformes et débloque des fonds pour les calmer mais rien n’y fait ! Les travailleurs réclament aussi une amélioration de leurs conditions de vie et de travail quant aux laissés pour compte il se font également entendre car cette année là au Gabon déjà 5% de la population détient 95% des richesses...

La conférence nationale
La contestation continue et en Mars 1990, Bongo accepte le principe de la Conférence nationale pour calmer les esprits et après une vaine tentative de vendre un nouveau parti unique ( le RSDG) avec des courants qui devrait être un laboratoire de la démocratie pour 10 ans soit jusqu’à l’an 2000.
La conférence Nationale marque la fin du Parti Unique et permet au Gabon de se doter d’une nouvelle constitution le Gabon et d’organiser des élections pluralistes Législatives, Locales puis Présidentielle. Mais l’assassinat de Joseph Rejambé Issani, membre influent du Parti Gabonais du Progrès manque d’emporter le régime et Bongo réprime sans ménagement.
Les élections législatives qui se tiennent en 1990, constituent un réglage pour la grande messe de 1993 et le régime use de subterfuges pour avoir la majorité au parlement ce qu’il obtient.

Coup d’État Electoral fondateur de 1993
La Première élection présidentielle multipartite se tient le 5 décembre 1993, et elle voit la participation de 13 candidats parmi lesquels Omar Bongo bien sur mais aussi Paul Mba Abessole du Morena Bucherons qui est porté par une véritable ferveur populaire. Alors que le dépouillement du reste du pays donne Mba Abessole gagnant, et que le processus de décompte dans la Province de l’Estuaire où se trouve Libreville la capitale du Gabon mais aussi – et peut être surtout- la moitié du collège électoral gabonais, Omar Bongo se fait déclarer vainqueur avec 51% des voix et déploie l’armée. La gouverneure de l’Estuaire Pauline Nyingone qui supervise le décompte des voix dénonce ouvertement ce coup d’Etat éléctoral en affirmant que les résultats prononcés par le ministre de l’Intérieur sont faux. Des émeutes éclatent et l’armée réprime violemment en faisant plusieurs morts, le domicile de l’opposant Mba Abessole qui s’est déclaré vainqueur et qui a formé un gouvernement est attaqué et ce dernier se réfugie à l’ambassade des Etats Unis. Peu après une solution de sortie de crise est trouvé : Omar Bongo concède des réformes et accepte d’intégrer des opposants en échange il ne sera plus question de remettre en question sa présence à la tête du Gabon.

Un mécanisme bien rodé

Ce qui s’est passé en 1993, s’est reproduit en 2005, 2009 et 2016 à savoir putsch électoral, déploiement de l’armée, répression sanglante, ouverture d’un « dialogue politique » où l’on promet des réformes et où l’on ouvre des postes à des personnalités de l’opposition et des membres de leur partis.
Ce système s’est légèrement grippé avec le refus d’André Mba Obame et de Jean Ping ( à ce jour) de prendre part à un dialogue encore moins de rencontrer le chef de l’Exécutif malgré les nombreux appels à un « dialogue » qui est en réalité une volonté d’adoubement et de cautionnement de la forfaiture.

Le mirage démocratique
Aujourd’hui personne ne sérieux ou un tant soit peu honnête ne peut affirmer que le Gabon est une démocratie ni même en voie de démocratisation. La dernière reforme de la constitution qui prévoit notamment que le « Président de la République » nomme une partie des membres du sénat faisant de cette chambre prétendument haute (ce qu’elle n’est pas en réalité puis que la primeur reste à l’assemblée Nationale en cas de désaccord !) une « chambre des lords » plus caricaturale qu’autre chose. Sans parler du serment que prête chaque Ministre devant Ali Bongo avant d’entrer en fonction qui ressemble fortement à l’ « hommage lige » qui a toute sa place dans une monarchie absolue.