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Immigration au Gabon : entre la rigueur du Golfe et le pragmatisme israélien
Publié le : 1er septembre 2025 à 15h15min | Mis à jour : il y a 2 semaines
Immigration au Gabon : entre la rigueur du Golfe et le pragmatisme israélien. Photo: Droits réservés/Gabon Intelligent

Immigration au Gabon : entre la rigueur du Golfe et le pragmatisme israélien. Photo: Droits réservés/Gabon Intelligent

L’interdiction faite aux étrangers d’exercer certains petits métiers devait marquer le retour de l’autorité de l’État. À la place, on a vu des marchés en colère, une vague d’insultes venues du Bénin, et un président qui s’est enfermé dans le silence. Brice Oligui Nguema, proclamé élu en avril dernier avec près de 95 % des suffrages, avait un boulevard devant lui. Il a reculé.


Dans le Golfe, rien n’est laissé au hasard. Le Qatar, les Émirats, le Koweït ont fait de la kafala une règle de vie. Pas de sponsor, pas de visa, pas de travail. Au Koweït, le fameux Visa 18 en est l’exemple : le parrain (kafeel) et l’employeur doivent être une seule et même personne. En théorie, du moins. Car la pratique a inventé ses failles : la « vente de visas », donnant naissance au visa Azad, un permis officieux, parfois acheté via des agences dans les pays d’origine, qui laisse plus de marge de manœuvre mais maintient l’étranger sous tutelle.
Même sous cette forme assouplie, le principe reste clair : l’immigration est tolérée, mais jamais laissée en roue libre. Résultat ? Un PIB par habitant qui dépasse les 80 000 dollars, une sécurité exemplaire, et même une Coupe du monde organisée en 2022 par un pays vingt fois plus petit que le Gabon.

Israël : l’État comme filtre

Israël a choisi une autre voie. Pas de parrain privé, mais l’État comme unique maître du jeu. Les travailleurs étrangers y sont admis sous quotas précis, dans des secteurs ciblés : agriculture, BTP, soins aux personnes âgées. Les permis sont temporaires et liés à un emploi déterminé. Fin du contrat, fin du séjour. Pas d’installation durable, encore moins de naturalisation.
C’est une logique administrative, rigoureuse, sans états d’âme. L’immigration est utile, mais temporaire et encadrée jusqu’au bout.

Le Gabon : un désordre chronique

Au Gabon, c’est tout l’inverse. Des milliers d’étrangers, souvent sans papiers, prospèrent dans le commerce de rue, la coiffure sauvage, les petits ateliers. L’argent file par des circuits parallèles vers l’étranger, le fisc ne voit rien, et la jeunesse gabonaise reste sur le carreau.
Quand l’État a tenté de réagir en août, la riposte est venue de l’extérieur, avec des insultes massives relayées en ligne. Des ressortissants béninois, parfois installés au Gabon en toute illégalité, ont participé au « Gabon bashing » à visage découvert.

une telle scène aurait été impensable dans une monarchie du Golfe. Imagine-t-on un étranger traiter les Qataris de « paresseux » puis se promener librement dans les rues de Doha ? Impossible. Le premier qui aurait tenté un tel affront en aurait payé le prix.

Or une telle scène aurait été impensable dans une monarchie du Golfe. Imagine-t-on un étranger traiter les Qataris de « paresseux » puis se promener librement dans les rues de Doha ? Impossible. Le premier qui aurait tenté un tel affront en aurait payé le prix. Même chose en Israël : on peut discuter, critiquer même, mais jamais bafouer l’autorité de l’État sans en subir les conséquences. Monarchiques ou démocratiques, ces régimes sont forts, et leur force commence par la défense de leurs citoyens.

Une troisième voie possible

Le Gabon n’a pas besoin de copier l’un ou l’autre modèle. Mais il doit tirer la leçon que tous partagent : aucune nation ne prospère dans le flou migratoire.

Une solution hybride pourrait voir le jour :

1-Responsabiliser les Gabonais en s’inspirant de la kafala : pas de séjour sans parrain local.

2-Limiter les secteurs comme en Israël : agriculture, BTP, mines, services spécifiques.

3-Fixer des quotas, des durées, et appliquer réellement les expulsions en cas d’infraction.

Oligui, un rendez-vous manqué

Le silence présidentiel a laissé une impression durable : celle d’un chef qui a préféré la prudence au moment de prouver son autorité. Les monarchies du Golfe et Israël, deux mondes très différents, partagent une conviction : l’immigration n’est jamais laissée au hasard. Elle est utile, oui, mais toujours encadrée.
Le Gabon doit choisir. Continuer dans le désordre, ou inventer sa propre règle du jeu. Et tant pis si cela choque : la survie des Gabonais est à ce prix.