Vénération et éblouissement politique : une marche vers l’autoritarisme ?. Photo: Droits réservés/Gabon Intelligent
De l’URSS de Staline aux régimes contemporains, en passant par les discours hypnotiques de figures politiques ou religieuses, l’Histoire nous enseigne les signes avant-coureurs de la dérive autoritaire. Le culte de la personnalité et le contrôle des médias en sont deux indices majeurs. Le regard de l’historien nous invite à la lucidité.
De l’URSS de Staline aux régimes contemporains, en passant par les discours hypnotiques de figures politiques ou religieuses, l’Histoire nous enseigne les signes (...)
De l’URSS de Staline aux régimes contemporains, en passant par les discours hypnotiques de figures politiques ou religieuses, l’Histoire nous enseigne les signes avant-coureurs de la dérive autoritaire. Le culte de la personnalité et le contrôle des médias en sont deux indices majeurs. Le regard de l’historien nous invite à la lucidité.
L’histoire ancienne comme moderne, depuis bien souvent, est marquée par la montée de nombreux dictateurs. Et, plus étonnant encore, ces figures autoritaires suivent des schémas qui se répètent. Deux signes, parmi d’autres, peuvent être retenus pour alerter les consciences : le culte de la personnalité, et le contrôle des médias.
Le premier, le culte de la personnalité, est un phénomène récurrent. Un dirigeant dont le régime devient hostile ou autoritaire se fait vénérer comme un sauveur, un héros, voire une figure divine. Cela relève d’un processus d’« éblouissement », notion parfaitement théorisée par le sociologue Joseph Tonda dans L’impérialisme postcolonial : critique de la société des éblouissements (Karthala, 2015).
Tonda y décrit les éblouissements comme une « attraction aveuglante exercée par le pouvoir, le luxe, la richesse, la beauté », et souligne l’effet hypnotique que peuvent produire les figures de puissance – hommes politiques, pasteurs, militaires – sur les populations. Car, dit-il encore : « Le pouvoir éblouit parce qu’il se donne à voir comme source de vie et de mort, de richesse et de pauvreté, de beauté et de monstruosité. »
Staline, bâtisseur et guide : un exemple historique frappant
Prenons Staline. Lorsqu’il succéda à Lénine, l’URSS était plongée dans la pauvreté, fracturée politiquement et socialement. Loin d’être un orateur charismatique ou un intellectuel flamboyant, Staline était avant tout un stratège méthodique, un organisateur hors pair. Il s’imposa en contrôlant les rouages internes du Parti, nommant ses fidèles aux postes clés, et effaçant même les critiques formulées par Lénine à son encontre peu avant sa mort.
Puis vint le temps de la mise en scène du pouvoir : grands travaux, slogans, propagande. Staline devient le « petit père des peuples », le Vojd, le Guide. Les Soviétiques sont éblouis. Il est le bâtisseur, celui qui relève la nation. Mais derrière les lumières de l’industrialisation, se profilait déjà l’ombre du goulag.
Médias captifs : le silence organisé
Le deuxième signe que je souhaite souligner, c’est le contrôle des médias et de l’information. Dans les régimes autoritaires, les nouveaux pouvoirs issus de ruptures brutales ou de coups d’État cherchent très vite à contrôler la presse, la télévision, la radio, les réseaux. Ce contrôle permet non seulement d’imposer un récit officiel, mais aussi de neutraliser toute opposition intellectuelle, politique ou morale.
Aujourd’hui encore, la Russie de Vladimir Poutine illustre ce schéma : reprise progressive des grands médias, marginalisation des voix dissidentes, fabrication d’un consensus artificiel. Contrôler les médias, c’est modeler la pensée collective.
Et maintenant ?
Alors, que reste-t-il à découvrir ou à feindre d’ignorer ? Peut-on encore être surpris par la montée de figures « providentielles » ? À chacun d’ouvrir les yeux sur les dynamiques du pouvoir et sur les formes modernes de l’éblouissement.
*Jean-Mariolle Kombila Yebe
Docteur en Histoire
Maître-assistant CAMES