Daniel Mengara  / Politique
Le Gabon humilié dans l’affaire Mbanié : au-delà des îlots, une défaite nationale
Publié le : 28 mai 2025 à 17h13min | Mis à jour : il y a 2 semaines
Le Gabon humilié dans l’affaire Mbanié : au-delà des îlots, une défaite nationale. Photo: Droits réservés/Gabon Intelligent

Le Gabon humilié dans l’affaire Mbanié : au-delà des îlots, une défaite nationale. Photo: Droits réservés/Gabon Intelligent

Le verdict rendu le 19 mai 2025 par la Cour internationale de justice (CIJ) dans le contentieux frontalier opposant le Gabon à la Guinée équatoriale a infligé au pays bien plus qu’une perte territoriale. Il a mis à nu une faillite collective de souveraineté, de lucidité politique et d’intelligence nationale.
Dans l’affaire Mbanié, le Gabon n’a pas seulement perdu trois îlots disputés — Mbanié, Conga et Cocotiers — mais aussi sa dignité, et avec elle, une partie cruciale de sa (…)


Dans l’affaire Mbanié, le Gabon n’a pas seulement perdu trois îlots disputés — Mbanié, Conga et Cocotiers — mais aussi sa dignité, et avec elle, une partie cruciale de sa souveraineté. Le silence embarrassé et l’absence de réaction ferme du régime de transition dirigé par Brice Clotaire Oligui Nguema ont sidéré une opinion publique déjà anesthésiée par deux années de gouvernance chaotique.

Alors que la tradition diplomatique commande une réaction vigoureuse, symbolique ou même contestataire après un tel revers, les autorités gabonaises se sont contentées de courber l’échine, acceptant la décision de la CIJ comme une sentence irrévocable. Un choix incompréhensible pour un pays qui a tenu ce contentieux pendant plus d’un demi-siècle.

La ruse célébrée, l’intelligence méprisée

Le mal est plus profond. Il réside dans un trait bien gabonais : celui d’encenser la ruse tout en dénigrant l’intelligence. Quand Oligui Nguema se targue publiquement de ruse plutôt que de lucidité ou de compétence, cela aurait dû susciter un tollé. Il n’en fut rien. Une part inquiétante du peuple semble fascinée par les roublards, quitte à laisser les véritables stratèges de côté. Résultat : des défaites qu’on ne voit pas venir, des erreurs qu’on refuse de reconnaître, et des illusions collectives qui, une fois fracassées par les faits, nous laissent hagards.

Mensonges d’État et propagande confuse

La porte-parole du gouvernement, Laurence Ndong, va plus loin dans le brouillage en parlant de « zones » d’Ebebiyin et Mongomo, tout en évitant soigneusement de parler de souveraineté pleine et entière sur ces villes. Cette stratégie de confusion s’appuie sur la tendance d’un peuple à vouloir croire en la grandeur de ses leaders, même dans l’échec le plus cuisant.

Pour maquiller la défaite, les autorités gabonaises ont orchestré une communication volontairement floue. Le ministre des Affaires étrangères, Michel Régis Onanga Ndiaye, évoque « plusieurs territoires autour d’Ebebiyin et Mongomo » qui deviendraient gabonais. Mais les mots choisis — vagues, ambigus — ne disent pas que les villes elles-mêmes reviennent au Gabon. Au contraire, elles restent clairement en territoire équato-guinéen.

La porte-parole du gouvernement, Laurence Ndong, va plus loin dans le brouillage en parlant de « zones » d’Ebebiyin et Mongomo, tout en évitant soigneusement de parler de souveraineté pleine et entière sur ces villes. Cette stratégie de confusion s’appuie sur la tendance d’un peuple à vouloir croire en la grandeur de ses leaders, même dans l’échec le plus cuisant.

Une carte redessinée, une nation affaiblie

À y regarder de près, le nouveau tracé des frontières, basé sur la Convention franco-espagnole de 1900, offre peu au Gabon. Au mieux, une partie de la ville d’Ebebiyin serait traversée par la frontière, sans que cela ne se traduise par un gain stratégique réel. Mongomo, elle, reste totalement en Guinée équatoriale.

Plus grave encore, le spectre d’un nouveau contentieux plane. Le territoire de Medouneu, au nord du Gabon, pourrait également être disputé si l’on applique strictement les lignes historiques de la convention. Un scénario esquissé dans le mémoire équato-guinéen déposé à la CIJ, où la cession de certains territoires gabonais est évoquée en échange de concessions symboliques.

Le vrai prix de la défaite : la souveraineté future

La Guinée équatoriale, désormais en position de force, détient toutes les cartes du jeu. Le Gabon, après avoir cédé les îles stratégiques, se trouve contraint de négocier — ou de céder à nouveau — pour tenter de préserver ce qui peut l’être, notamment autour de Medouneu.

Brice Clotaire Oligui Nguema, dont le règne s’inscrit de plus en plus comme celui de l’effacement national, devra bientôt répondre de ces choix devant l’histoire. Car ce n’est pas seulement Mbanié que le Gabon aura perdu. C’est le droit de faire entendre sa voix sur les questions vitales de souveraineté et d’intégrité territoriale.